Les onomatopées


    Les onomatopées, très utilisées en B.D., relèvent avant tout de l'écrit et non du dessin : ce sont les PAF, BOUM et autres SCHTONG qui parsèment les planches, en particulier dans les scènes d'action. Elles ont pour rôle, dans la BD européenne, de restituer par l'écrit un bruit ou un son. 

    Elles sont extrêmement variées et pratiquement chaque auteur (et chaque langue) les a mises à sa sauce. Le bruit d'un coup de feu sera traduit aussi bien par un « pan » ou un « paw » que par un « bang ». 

    Bien que les onomatopées soient de l'écrit, le graphisme jouera son rôle : le lettrage pourra varier ainsi que la taille des caractères, l'onomatopée s'inscrire dans un phylactère, être entourée de petits traits ou d'une ligne brisée, tout ceci influant sur la façon dont le lecteur percevra le « bruit ».



Clés pour la BD  (c) Accès Editions

    Leur origine

    Si elles ont beaucoup évolué depuis, les onomatopées ont largement été empruntées aux comics américains, et il est très intéressant de noter que les plus courantes ont un sens en anglais. Il suffit d'ouvrir un dictionnaire anglais-français pour voir que « CRAC » vient directement du mot « crack » qui signifie : faire craquer avec un bruit sec, casser. « BANG » signifie claquer (la porte), une détonation. « SPLASH » a le sens d'éclabousser, « ZIP » veut dire sifflement, etc... Il est vrai que la langue anglaise, plus concise que la française, a un certain génie de la restitution des sons par les mots. Bien sûr, un bruit ne peut s'écrire directement et sera toujours interprété par celui qui l'entend, mais imaginez le son, par exemple, d'une noix qu'on écrase : le mot crunch en est objectivement bien plus proche que le mot écraser. Idem pour les exemples cités plus haut, et pour bien d'autres...

    Ceci jette un jour nouveau sur les onomatopées telles qu'elles étaient conçues à l'origine : non pas comme la façon de restituer un son par analogie (ce qui est le cas de « COCORICO » par exemple : cette onomatopée veut reproduire à l'écrit le cri de l'animal), mais visant à « dire » l'action effectuée elle-même. Le personnage qui saute dans une piscine et à coté duquel l'auteur écrivait « splash » éclabousse effectivement ce qui se trouve autour de lui. 

  Dans cette case des Freaks Brothers, on voit qu'on a traduit littéralement l'onomatopée d'origine, qui était probablement « CUT » : l'onomatopée est bien ici le moyen d'indiquer l'action effectuée par le personnage, et pas une façon de rendre un son.


Les freaks brothers (c) Artefact

    Il semble donc probable que l'onomatopée européenne résulte d'un malentendu. Les « onomatopées explicitant l'action » étaient fréquentes dans les comics américains : nous avons vu que c'est aux Etats-Unis que les auteurs ont fait pénétrer l'écrit dans la case avec les phylactères. En Europe, le texte est pendant longtemps resté sagement isolé de l'image : il était placé sous le dessin (voir la première partie des repères historiques). Les auteurs européens ont donc repris ces BANG et ces ZIP mais, ignorant généralement l'anglais, ne les ont pas identifiées comme des verbes disant l'action en cours et les ont comprises comme des façons de rendre un son par l'écrit. 

    Ils ont par la suite enrichi ce vocabulaire, créé d'autres onomatopées en cherchant à se rapprocher du son tel qu'entendu, utilisé à l'occasion des mots français quand ceux-ci se prêtaient à l'illustration sonore (par exemple clac, du verbe claquer), bref en ont fait ce que nous connaissons aujourd'hui.

    Amusez-vous à remplacer mentalement les onomatopées par leur vrai sens ou par un mot signifiant l'action, c'est amusant et cela vous rapprochera des origines de cette technique ! D'ailleurs, certains auteurs français ont parfois utilisé ces « onomatopées parlées », tels Ramaïoli et Durand dans « La terre de la bombe » :


La terre de la bombe (c) Glénat

Merci à Christian pour ses remarques

  




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