Les récitatifs, on en trouve souvent en B.D. Il peut s'agir de textes courts comme « Pendant ce temps... » ou « Le lendemain matin... », mais ils peuvent être beaucoup plus étoffés et expliquer ou détailler l'action, comme ce récitatif d'Alix : « Le jeune homme pénètre dans le grand vestibule du bâtiment, encombré de gens de toutes conditions. »
Les récitatifs servent, à priori, à rendre certaines actions pratiquement impossibles à restituer par l'image. Hergé, par exemple, affirmait lors d'une interview (Hergé, fils de Tintin, 2002) : « Je considère mes histoires comme des films. Donc, pas de narration, pas de description. Toute l'importance, je la donne à l'image. [...] Il m'arrive de devoir utiliser des sous-titres (récitatifs, N.D.W.), mais je ne les emploie guère que pour indiquer de temps à autre la durée [...] car, tout comme au cinéma, la durée est une des choses les plus difficiles à rendre. » Comme l'indique Benoît Peeters, Hergé croyait au pouvoir narratif du dessin et pensait que par de justes enchaînements séquentiels, on pouvait tout faire comprendre sans le secours de la moindre légende. Il s'opposait en cela à Jacobs qui avait une conception littéraire du récit et pour lequel l'image jouait surtout le rôle d'illustration du texte.
Inutile de dire qu'à
mon sens, c'est Hergé qui a raison. L'abus de récitatifs
fait entrer le texte en redondance avec l'image, ce qui affaiblit le
récit puisqu'on a parfois l'impression de lire deux fois la
même histoire, une fois avec le texte et une autre avec le
dessin. Alix en est souvent un bon exemple. Témoin la
demi-planche
ci-dessous :
Le sphinx d'or (c) Casterman
En voici le texte, récitatifs et dialogues :
Considérer l'image
comme une illustration du texte, c'est remettre en cause ce qui fait
la spécificité de la B.D. : cette
complémentarité
du texte et de l'image où aucun n'a l'avantage sur l'autre.
C'est aussi et surtout renoncer à pousser les recherches en
matière de codes graphiques et narratifs, qui font
qu'effectivement on peut arriver à faire passer et comprendre
énormément de choses uniquement par le dessin. Comme le dit Cosey dans
l'interview donnée à [dBD] fin 2008, "Il ne faut pas oublier que la BD
ne consiste pas à illustrer un texte mais à raconter une histoire
au moyen du dessin."