C'est très variable, et différents critères entrent en compte :

- le style de dessin. Un dessin humoristique comme celui de Morris pour Lucky Luke va demander moins de temps de réalisation que celui, très réaliste, de Giraud pour Blueberry.

- les besoins en documentation : on a moins besoin de se documenter quand on dessine une planche des schtroumpfs que de XIII !

- les rythmes de travail des dessinateurs ! Ben oui, c'est comme partout, il y a des rapides forcenés du crayon, et des méticuleux qui vont recommencer trente-six fois et peaufiner le moindre détail.

    Mais on peut tout de même donner quelques chiffres (dont il faudra garder à l'esprit qu'ils ne sont pas une règle invariable : vous avez compris que nous ne parlons pas de la production d'une pièce passant sur une chaîne de montage !). Disons que, généralement, la réalisation d'une planche va demander entre trois jours et une semaine de travail suivant le style de dessin. Il faut donc compter généralement 1 an pour la réalisation d'un album, mais il n'est pas rare que ce soit plus. Quand on pense que les lecteurs mettront à peine une demi-heure pour le lire...

    Quelques exemples :

- Hal Foster, l'auteur de Prince Vaillant (série réaliste), a ainsi produit une planche par semaine durant plus de 40 ans de carrière, et passait plus de 50 heures de travail sur chaque planche, tout compris : scénario, dessin, couleurs.

- Lambil, dessinateur des Tuniques bleues, série humoristique, a longtemps produit 2 albums par an, soit environ 2 planches par semaine, et est considéré comme un auteur travaillant rapidement.

- Franz, auteur réaliste (Jughurta), réalisait lui aussi deux planches par semaine, ce qui était considéré comme remarquable par ses collègues.

- Hermann, travaillant lui aussi dans un style réaliste (Jérémiah, Les tours de Bois-Maury) arrive au même résultat et affirme travailler de 7 heures du matin à 11 heures du soir, et ce parfois 7 jours par semaine !

- Gibrat, auteur réaliste, met sept à huit jours à réaliser une planche du Vol du corbeau, dont deux ou trois rien que pour la couleur (il travaille sur cette histoire en couleurs directes)

    Pour ce qui est des auteurs les plus lents, il est bien sûr impossible de fournir des chiffres : on peut toujours faire moins ! Mais il est vrai que certains dessinateurs sont réputés pour leur retard et que nous sommes quelques-uns à attendre désespérément que Vicomte nous livre le tome 2 de « Sasmira » (mais soyons patients : après tout, le premier tome n'est paru qu'en 1997 !).


    Notons aussi que ces chiffres s'entendent pour une production de qualité : si on va jeter un coup d'oeil du côté des dessinateurs de pockets italiens (qui travaillent « à la chaîne »), il n'est pas rare de voir des auteurs livrer leurs 30 planches par mois. Mais le travail vite fait est rarement le meilleur !

    Les dessinateurs de comics américains fournissent eux aussi un nombre de planches impressionnant, mais ils travaillent généralement en équipe, ce qui donne là aussi des résultats souvent moins bons.





    Au jeu de la production de masse, ce sont finalement les Japonais qui tirent le
mieux leur épingle du jeu, arrivant souvent à allier le nombre et la qualité, ce qui a d'ailleurs inspiré à Zep le petit dessin ci-contre (Les dossiers de la bande dessinée n° 8, septembre 2000).



    Et on peut rajouter à tout ça que dessinateur est un métier d'artiste et qu'il est parfois difficile de savoir pourquoi un album tarde à paraître : l'auteur s'est-il lancé dans une autre oeuvre ? Est-il en panne d'inspiration ? En pleine déprime (ça aussi, ça arrive : les lecteurs de Spirou ou de Tintin ont longtemps été privés de leur héros suite à de graves dépressions de Franquin ou d'Hergé) ? Est-ce l'éditeur qui fait des siennes ? Nous ne le saurons qu'en lisant (peut-être) le prochain épisode !




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