Alors qu'il est chose fréquente aux Etats Unis, surtout chez les auteurs travaillant sur les super-héros, le travail en studio n'est pas répandu en France. Des studios existent ou ont existé néanmoins, essentiellement regroupés autour de dessinateurs célèbres et devant assurer une production trop importante pour un homme seul. Citons Greg, Peyo, Franquin ou Hergé, qui ont regroupé autour d'eux des dessinateurs souvent débutants (mais pas toujours, on le voit avec Hergé qui a travaillé avec Jacobs ou Martin alors qu'ils étaient déjà établis en tant qu'auteurs). Des artistes aussi connus que De Moor, Leloup, Roba, Turk, De Groot, Hermann et bien d'autres ont fait ainsi leurs armes en participant à l'élaboration des synopsis, des scénarios, du dessin et de l'encrage, voire en assurant l'essentiel du travail, l'auteur principal se contentant de contrôler, guider, corriger... comme Jidéhem qui a pendant longtemps assuré entièrement le dessin de Gaston Lagaffe.

    Mais cette pratique n'est pas sans poser question en termes d'expression artistique. Peut-on appeler travail d'auteur une bande dessinée sur laquelle ont travaillé deux ou trois élèves, fût-ce sous la conduite d'un maître éclairé ? Outre le fait que l'auteur n'est pas seul et que son talent va forcément être parasité par l'intervention d'autres personnes, on a souvent constaté que ce travail bridait l'auteur principal qui ne pouvait pas se laisser aller à ses envies d'évolution ou d'expérimentation sans courir le risque de désorienter celui qui devait passer derrière lui encrer sa planche. Il suffit de voir comment Gaston Lagaffe a « éclaté » à partir du moment où Franquin l'a repris seul, et comment l'évolution du personnage a été fracassante.



Gaston Lagaffe (c) Dupuis
La collaboration entre Franquin et Jidéhem a dû cesser à peu près à la "troisième tête".


    Sans même parler de studio, la simple intervention d'un assistant va jouer, comme pour Godard dont Dufranne a longtemps encré les planches de la série Martin Milan. Godard reconnaissait lui-même que cela bridait son trait et limitait forcément ses possibilités d'évolution dans la mesure où il fallait bien qu'un "accord" subsiste entre les deux graphismes.


Martin Milan (c) Le Lombard
Godard et Dufranne ont collaboré à peu près sur les "deux premières têtes"



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