Un dessinateur a également besoin de faire des recherches purement graphiques et va donc réaliser avant la planche proprement dite nombre de croquis et de crayonnés plus ou moins poussés (ainsi nommés, bien sûr, parce qu'ils sont généralement réalisés au crayon).
- il va faire des études : quels visages donner aux
personnages, comment rendre tel habit, tel objet, telle matière,
telle attitude, tel décor.
Documents
d'exploitation
pédagogique des albums de bande dessinée de la
série
Broussaille (c) Dupuis / CRDP de
Poitou-Charentes
Exemples
de recherches pour un personnage de la série Broussaille, par
Frank
François
Bourgeon,
le passager du temps (c) Glénat
Recherches
graphiques de François Bourgeon sur les vêtements pour ses
séries moyennageuses
Pour faciliter leur travail, certains dessinateurs construisent des maquettes des lieux où se situe l'action, voire de certains personnages.
Dans le sillage des
sirènes (c)
Casterman
François
Bourgeon : la maquette du château...
...et le château tel qu'il apparaît dans "Les compagnons du
crépuscule"
Dans le sillage des
sirènes (c)
Casterman
Une
autre vue de la maquette : de dessus.
- le dessinateur va ensuite faire des
essais de mise en scène
des cases et
de mise en page des planches, organiser l'enchaînement des
cases entre elles, faire le « montage » de la
planche. En effet, quand un lecteur ouvre une bande dessinée,
il appréhende globalement la page, et ne se focalise sur la
succession des cases qu'ensuite. Il étudie souvent plusieurs
possibilités et réalise plusieurs versions de sa planche,
comme dans l'exemple ci-dessous.
L'aventure d'une
B.D. (c) Le Lombard
Voici
deux essais de composition de la première planche de l'album de
Buddy Longway "Le démon blanc". Celui de droite a satisfait
l'auteur.
L'aventure d'une
B.D. (c) Le Lombard
Il
a donc réalisé un troisième crayonné, plus
poussé. A droite, la planche elle-même.
Documents
d'exploitation
pédagogique des albums de bande dessinée de la
série
Broussaille (c) Dupuis / CRDP de
Poitou-Charentes
Autre exemple de recherche : un crayonné par Frank de la première planche de "La nuit du chat", un album de Broussaille.
Il existe quantité de manière de composer une planche, de
la plus simple à la plus recherchée. Quelques exemples de
planches dans leur version finale :
Tango (c) Casterman
Le classique « gaufrier » : par exemple Hugo Pratt sur la fin de sa carrière : « Tango »
Soviet zig zag (c) Milan
Plus
construite, variant la taille des cases :
« Zoviet
zig zag »
Il arrive aussi que
l'agencement des cases de la planche fasse sens. Voici un extrait de
« Cauchemar
blanc » de Moebius : la superposition des cases exprime la
simultanéité de l'action et non sa continuité
comme dans le cas d'une succession de cases :
En voici un autre exemple dans cet extrait de « La
nuit du chat » de Frank et Bom : la déformation des
cases, le personnage qui leur est superposé, la présence
d'un personnage en double dans la même case, tout ceci veut
rendre l'état d'ivresse du héros et les troubles de
perception qui en résultent :
- Le dessinateur va, enfin, bâtir le contenu de chaque case.
Et chacune de ces cases peut être plus ou
moins
travaillée. Voici
un exemple de case particulièrement réussie
d'Hergé :
Si on détaille cette case, on voit qu'Hergé arrive à indiquer à la fois l'action passée (les personnages arrivent du navire visible en arrière-plan, la chaloupe le montre), l'action actuelle (ils sont en train d'accoster un rivage) et l'action future (le rivage en question n'est visiblement pas sûr si on en juge par l'expression du capitaine et le fusil qu'il tient en mains, mais ils comptent visiblement affronter le danger et partir en exploration). Tout ceci en une seule case et sans le moindre dialogue : assez remarquable, non ? |
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Le trésor de Rackham le Rouge (c) Casterman |
En parlant de
dialogue, notons que textes et dessins sont
censés être
complémentaires et
apporter chacun une part du sens et de la narration. Ceci aussi a
été
le fruit d'une longue évolution. Longtemps le dessin a
été
plus ou moins perçu comme une illustration du texte, et il
n'était pas rare qu'il y ait redondance. Voici par exemple un
extrait
de « Le spectre aux balles d'or », de Charlier
et Giraud. Lisez
cette planche en gommant mentalement le pavé de texte de
la troisième case : la compréhension de l'action n'en est
absolument pas gênée.
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Le spectre aux balles d'or (c) Dargaud |