Les auteurs, pour présenter un travail crédible et exempt d'erreur, ont besoin de se livrer à des recherches de documentation. Le scénariste, tout d'abord, quand il élabore son histoire : il existe ainsi une anecdote sur Greg qui, dans un épisode du western Comanche où un personnage devait prendre une diligence, avait fourni à son dessinateur les horaires réels de l'époque. De façon plus générale et à moins de faire dans l'héroïc-fantasy, le scénariste va forcément s'appuyer sur des éléments concrets s'il veut rendre son récit crédible, d'où un besoin de lire et de se documenter.

    Les besoins en documentation du dessinateur concernent essentiellement l'aspect visuel. Ils peuvent se traduire par la lecture d'ouvrages sur le contexte historique ou social, l'architecture, les habillements et uniformes, les véhicules, outils, armes, bref tout ce pour quoi on a besoin de restituer la réalité. Beaucoup d'auteurs de bandes dessinées se constituent ainsi de véritables bibliothèques sur les thèmes dont ils traitent dans leurs bandes dessinées. Internet devient aussi une source majeure d'informations.

    Voici quelques exemples d'utilisation de documentation par des dessinateurs :


Dans le sillage des sirènes (c) Casterman
Photographie utililsée par François Bourgeon pour sa série "Les compagnons du crépuscule"




Dans le sillage des sirènes (c) Casterman
Une antique maison de Bayeux utilisée (en miroir) par François Bourgeon, toujours pour "Les compagnons du crépuscule"


documetation Derib

L'aventure d'une B.D. (c) Le Lombard
Un exemple d'utilisation de plusieurs sources iconographiques par Derib dans la construction d'une planche de Buddy Longway


    Les déclarations de Tardi à propos de sa bande dessinée historique "Le cri du peuple" (Castermag n°7, été 2004) illustrent bien ce souci du détail authentique qui est celui de la plupart des auteurs : "La principale difficulté de l'exercice, c'est la documentation et son exactitude. Même si la photographie était pratiquée à l'époque de la Commune, les documents disponibles sont limités. [...] Alors pour coller à la réalité des faits, des événements et des décors, je me suis souvent rabattu sur des dessins, des gravures d'époque... tout en sachant qu'il faut toujours se méfier un peu des dessins ! De toute façon, il est rare d'avoir la certitude d'être dans le vrai. Par exemple, pour illustrer une scène qui se déroule place Franz Liszt dans le 9e arrondissement, j'ai travaillé à partir de photos des lieux aujourd'hui. Les réverbères qui bordent l'église sont ronds. Mais un peu plus tard, presque par hasard, je suis tombé sur des images montrant qu'à l'époque de la Commune, ces réverbères étaient de forme carrée. J'ai donc corrigé mes dessins a posteriori".

    Il n'est pas rare que les auteurs fassent des repérages ou un reportage photo sur les lieux où l'histoire est censée se dérouler, comme l'ont fait Annie Goetzinger et Pierre Christin pour leur album « Le poisson rouge » qui se déroule en URSS à la fin des années 50 :

Repérages Goetzinger Christin

La lettre de Dargaud n° 76 (c) Dargaud


    André Taymans, auteur complet, explique : « Mes décors tiennent la route parce que je me rends presque toujours sur place : je pars avec mon scénario sous le bras et je fais des repérages, j'accumule une documentation personnelle. Ca me permet de corriger des approximations ou même de modifier mon récit en fonction de ce que je découvre sur place. »

    Cette constitution d'une documentation est souvent un travail de longue haleine. Quand Lambil a repris la série humoristique "Les Tuniques bleues", Cauvin lui a volontairement fourni un épisode (« La prison de Robertsonville ») se déroulant à l'intérieur d'un camp de prisonniers, ce qui limitait les besoins en recherches et lui a laissé le temps de trouver de la doc pour les épisodes suivants de la série.




    Vance, sur une séquence de poursuite sur le toit d'un train dans XIII, raconte
(BoDoï n° 53, juin 2002) : « Jean n'avait pas précisé de quel train il s'agissait. Je suis allé sur le Net voir quels trains passaient à Sacramento, la plupart sont des Amtrack. J'ai récupéré de la doc (Net, revues) et installé XIII et ses poursuivants dans un Amtrack 802. Donc XIII saute et, écrit Jean, « se rattrape de justesse à l'une des petites cheminées d'aération. » Manque de pot, il n'y a pas de cheminées d'aération sur les Amtrack. En dessiner c'est à coup sûr la promesse de lettres d'engueulades. Je tourne la difficulté en dessinant une petite poignée sur le rebord du train.»



  XIII (c) Dargaud

    On voit que les dessinateurs ont appris à se méfier de la vigilance des lecteurs, et pas seulement pour ce qui est de leur documentation, d'ailleurs. Il existe une anecdote sur Hergé qui avait, dans une case d'un album de Tintin, dessiné le perron du château de Moulinsart avec une marche en moins par rapport à d'habitude. Il y a eu des lecteurs pour le remarquer et lui écrire, et l'erreur a été corrigée dans les éditions suivantes !





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