C'est le découpage planche par planche, case par case du récit. Il décrit tout ce que le dessinateur a besoin de savoir pour dessiner l'histoire : les personnages, leur situation, les ambiances, les actions, les dialogues.

    Chaque scénariste a sa façon de faire. Voici deux exemples de scénarios réalisés pour le dessinateur Derib, l'un par Job et l'autre par Christian Godard, ainsi que les pages réalisées à partir de ces scénarios.



L'aventure d'une B.D. (c) Le Lombard
Le scénario de Job...             ...et la planche de Derib



L'aventure d'une B.D. (c) Le Lombard
Le scénario de Godard...              ...et la planche de Derib

    Il est tout d'abord évident que les deux scénaristes ne travaillent pas de la même façon. Autant Job est extrêmement concis dans ses descriptions, autant Godard donne énormément d'indications, à la fois sur l'action elle-même, sur la psychologie des personnages, leurs motivations, et sur la façon de rendre l'ensemble, en utilisant un vocabulaire identique à celui du cinéma.

    On constate aussi que le dessinateur met son grain de sel dans le matériau que lui fournit le scénariste. Dans le scénario de Job, Derib préfère réunir les cases 4 et 5 en une seule case, et y placer la case 3 en incrustation. De même dans le scénario de Godard où il fond, là aussi, les cases 4 et 5 en une seule.


    Certains auteurs, qui ont été ou sont encore dessinateurs, donnent carrément leurs scénarios sous forme de bande dessinée, comme Yann le fait pour Conrad avec la série "Les innommables" :

scénario Yann planche Conrad

(c) Bo Doï n° 54                                                                                                                    A l'est de Roswell (c) Dargaud
Le scénario de Yann...                                                                                                             ...et la planche de Conrad

    On voit que, là aussi, le dessinateur prend des libertés avec le scénario : les cadrages suggérés ne sont pas repris, pas plus que le découpage. Les dialogues aussi sont touchés (légèrement toutefois : une seule bulle disparaît, d'une importance médiocre). Peut-être plus « grave » : une indication (en bas de page, où le scénariste demande au dessinateur de dessiner un personnage nu pour souligner ses rapports avec un autre) n'est pas respectée.

    A travers ce constat (le dessinateur « interprète » le travail du scénariste), on touche là au rapport entre les deux composantes de ce couple. On peut illustrer ce point avec le travail de Vance sur une planche de XIII dont Van Hamme lui a fourni le scénario. Ce dernier prévoyait une course-poursuite sur le toit d'un train par une nuit de pleine lune, Vance a préféré mettre en scène une nuit d'orage, ce qui donnait d'après lui un côté plus dramatique, plus visuel. Mais comme par ailleurs il ne touche jamais aux textes, ne s'en sentant pas le droit (« Jean est maître du texte comme je suis maître de l'image et du découpage, même s'il m'en propose un au dos de chaque feuille de scénario », BoDoï n° 53, juin 2002), on trouve à un moment un méchant de la série, accroupi sur le toit sous des trombes d'eau, qui profère ce texte : « La nuit est claire » !

    La phrase de Vance est sans doute une bonne illustration de ce qu'est le quotidien des rapports entre les deux partenaires : l'un est le maître du texte, l'autre de l'image !


   Autre exemple, le travail du dessinateur Mourier sur les scénarios d'Arleston. Arleston (BoDoï n° 55, août 2002) : « Voilà un exemple typique où le dessin me fait rire alors que le texte n'était pas drôle en lui-même. Le scénario dit : « Tyneth arrive sur le dos du baron comme un projectile ». Lorsque j'écris ça, je sais qu'il y a matière à faire un truc, parce que je connais mon Jean-Louis depuis longtemps. Mais il me surprend toujours : là, il a eu l'idée de cet avant-plan génial avec la gamine qui fourre ses doigts dans le nez du baron et qui lui tire la bouche! ».

    On voit là aussi que le scénariste n'invente pas tout. Beaucoup de gags, notamment visuels, viennent du dessinateur qui utilise les éléments fournis par le scénariste mais donne aussi libre cours à son imagination.


case Mourrier


  Trolls dans la brume (c) Soleil



Page suivante Retour à l'accueil